Grandmaison: Préface

Anmerkung DE: Der nachstehende Text ist nicht von mir, sondern aus der Feder von Charles Loizeau de Grandmaison (1824-1903), veröffentlicht 1852 in Paris.

Préface

Ce livre a été conçu dans le but de faciliter les recherches et d’abréger le travail des archéologues et des érudits français, qui, chaque jour, rencontrent dans les châteaux et les églises, sur les tableaux, les armes, les cachets, les meubles et les monuments de toute sorte, des armoiries sans nombre. A qui saurait lire la langue du blason, ces figures héraldiques diraient le nom et le temps des fondateurs ou des possesseurs de ces objets divers.

Mais cette langue est aujourd’hui aussi oubliée qu’elle était autrefois répandue; et comme, au temps où elle était l’objet de l’étude presque générale, l’archéologie française n’existait pas encore, les livres très-nombreux qu’on a composés alors l’ont été dans un but tout autre que celui réclamé aujourd’hui par les esprits studieux. Ces livres, en effet, destinés à donner l’armoirie d’une famille connue, sont rangés par ordre alphabétique, et les recherches dirigées dans ce but y trouvent une solution très-prompte et très-facile. Mais, dans les études archéologiques, le problème est renversé; l’armoirie étant connue, il s’agit de retrouver la famille; il faut donc parcourir cette multitude de noms contenus dans les dictionnaires, et comme rien ne peut servir de guide dans cette laborieuse et pénible investigation, comme rien même ne peut indiquer si l’armoirie objet de tant de labeurs se trouve représentée ou décrite dans l’ouvrage qu’on a entre les mains, il arrive souvent qu’après de longues heures inutilement passées à tourner les pages de plusieurs volumes, on jette là de dépit et de colère le livre muet. Cela nous est arrivé souvent, et cette expérience personnelle tant de fois faite de l’insuffisance actuelle des dictionnaires par ordre de familles, nous a amené à penser qu’un dictionnaire où les armoiries seraient groupées par genres de figures, où, par exemple, tous les pals, toutes les bandes, toutes les fasces seraient réunis ensemble, et de même des lions, des chevaux, des ponts, des épées, des éperons et autres figures usitées en blason; il nous a semblé qu’un tel livre abrégerait singulièrement les recherches, en restreignant de beaucoup l’espace où elles peuvent s’exercer, en les localisant pour ainsi dire. Il ne s’agira plus, en effet, que d’aller à la partie de l’ouvrage renfermant les figures analogues à celle qu’on a sous les yeux: aux lions, si c’est Un lion; aux chiens, si c’est un chien, et il suffira de parcourir quelques feuillets pour s’assurer si l’armoirie en question a été ou non décrite dans le livre. Comme les figures sont dans les armoiries, tantôt seules, tantôt en nombre, tantôt accompagnées ou chargées d’autres pièces, nous avons cru qu’on diminuerait encore le travail en créant dans chaque article un peu étendu des sous-divisions dont chacune ne comprendrait qu’un seul des états, si je puis dire ainsi, de la figure principale. Quant à l’ordre à adopter dans la disposition des articles, on aurait pu assurément en choisir un plus savant et plus méthodique que celui auquel nous nous sommes définitivement arrêté, et nous y avions songé d’abord; mais, après plusieurs essais, l’ordre alphabétique nous a semblé le plus simple, le plus court, et par conséquent le meilleur. Le résultat obtenu par Chevillard avec son fameux ordre tout à la fois alphabétique et naturel, était loin de nous engager à l’imiter. Ce cadre une fois arrêté, il ne s’agissait plus que de le remplir, et nous avions d’abord résolu de n’admettre parmi les exemples donnés par nous, aucune famille noble postérieure au XVIe siècle, et notre livre se fût trouvé ainsi comme le véritable livre d’or de la noblesse française: mais en cela nous ne songions qu’à l’archéologie monumentale, et l’on nous a fait remarquer que tout le XVIIIe siècle avait couvert de ses armoiries les meubles et les gravures surtout, et que bon nombre de ces blasons étaient pour lors récents; nous nous sommes donc déterminé à reculer notre barrière jusqu’à ce siècle, et jusque-là seulement, les besoins de l’archéologie ne se faisant point encore sentir pour les temps plus rapprochés de nous.

De ce qu’une famille ne se trouverait pas dans notre livre, il ne faudrait cependant pas en conclure que sa noblesse fût douteuse ou trop récente; cela prouverait tout simplement qu’elle ne nous est pas tombée sous les yeux; sans compter qu’il était impossible de citer tout le monde. Une seconde édition, si jamais il nous est donné de la faire, pourra et devra être beaucoup plus complète. Que les censeurs et les critiques tiennent pour assuré que notre livre ne saurait sembler à personne plus défectueux qu’il ne l’est à nos propres yeux, et que, paraissant dans une Encyclopédie en voie de publication, le temps, plus que la volonté et le courage, nous a manqué pour faire mieux. Peut-être cependant voudra-t-on bien reconnaître que, si imparfait que soit ce livre, il renferme plus d’armoiries et disposées dans un meilleur ordre pour les recherches, qu’aucun de ceux qui l’ont précédé. Le plus étendu et le plus employé par les travailleurs, l’ouvrage de Louvan Geliot, revu au milieu du XVIIe siècle par Pierre Paillot, est sous forme de dictionnaire de termes et de figures, et il nous a donné, nous l’avouons, l’idée du nôtre. Mais Paillot a voulu faire surtout un traité de blason où les figures et les termes fussent définis et décrits dans l’ordre alphabétique; il en est résulté qu’un nombre très-considérable d’armoiries se trouvent dans Paillot rangées sous des termes abstraits, comme accompagné, armé, arraché, ou même presque inconnus au lecteur, tels que clariné, lampassé, gringolé, etc., et l’on ne sait comment les y trouver. Nous avons cru éviter cet inconvénient si grave en plaçant à la fin de notre introduction un vocabulaire de ces termes abstraits qui se trouvent ainsi élagués du Dictionnaire, et qu’on fera bien de parcourir tout d’abord, ainsi que l’Introduction, renfermant un essai sur l’origine du blason, et destinée à donner une connaissance sommaire et générale du blason à ceux qui n’en ont aucune notion, et qui, sans cela, auraient assez de peine à se servir du Dictionnaire proprement dit.

Nous y avons développé, dans l’ordre alphabétique, chacun des points indiqués dans l’Introduction, et n’avons cru pouvoir mieux faire que de reproduire quelques-unes des excellentes dissertations que le célèbre Du Gange a publiées sur ce sujet. On y trouvera encore des articles sur les rois d’armes, les grands officiers de la couronne, les preuves de noblesse, etc., dont la connaissance a paru se lier intimement avec l’étude des armoiries, et le tout est suivi d’une table alphabétique des noms de familles, villes et provinces de France, dont les armoiries sont décrites dans l’ouvrage. Cette table, qui renferme environ douze mille noms, est comme un second dictionnaire à l’aide duquel on peut sans peine trouver les armoiries d’une famille dont le nom est connu, et notre livre renferme ainsi la solution des deux problèmes que peuvent faire naître les armoiries, il faut remarquer, à propos de ces noms, que nous nous sommes attaché à donner le vrai nom de la famille, le nom primitif, celui qui subsiste toujours dans toutes les branches et à travers tous les temps, sans nous inquiéter des noms de terres ou seigneuries qui peuvent y avoir été ajoutés, et qui, dans une famille ancienne et puissante, sont très-nombreux. Nous ne nous sommes qu’assez rarement éloigné de cette règle, et encore le nom primitif a-t-il été conservé toujours. Nous en avons agi de même pour les armoiries, et l’on ne trouvera que les armoiries simples et réelles de chaque maison, les écartellements pouvant se multiplier et varier è l’infini, selon les alliances ou même les prétentions. Lors donc qu’on rencontrera des armoiries écartelées, il faudra se souvenir que le blason véritable de la famille se trouve au premier quartier à droite du chef de l’écu, et c’est celle-là qu’on doit chercher dans le Dictionnaire; s’il y avait un sui te tout, ce serait à lui qu’on s’adresserait. Les ouvrages généalogiques, tels que Lachenaye, Despois ou le P. Anselme, donneront ensuite le personnage possesseur de ce blason écartelé.

Nous ne terminerons pas cette préface sans prier notre savant professeur à l’école des Chartes, M. Lacabane, d’agréer l’expression publique de notre gratitude pour les conseils et les avis qu’il a bien voulu nous donner. Attaché depuis plus de vingt ans au cabinet des titres et généalogies à la Bibliothèque royale, il est assurément l’homme de France qui connaît le mieux le blason et l’histoire des familles. Toutes les personnes qui ont eu des recherches à faire sur ces matières au département des manuscrits, connaissent bien ses lumières et sa complaisance également inépuisables. Elles ne nous ont point fait défaut toutes deux, et nous devons déclarer que, tout imparfait que soit notre livre, il le serait encore bien davantage sans les bienveillants conseils de M. Lacabane.